Eugène Sévellec naît en 1897 à Camaret, où il passe son enfance et une partie de son adolescence. Son père est mécanicien dans la Marine nationale, sa mère femme au foyer. Très jeune, il fréquente le petit monde artistique, fait principalement de peintres et de gens de théâtre, qui y séjourne régulièrement. Il entretient des relations privilégiées avec le poète symboliste Saint-Pol-Roux, dont les fils Loredan et Cœcilian sont ses camarades de classe. Il entre dans l’adolescence lorsque sa famille — Eugène Sévellec père vient de démissionner de la Marine — quitte Camaret pour s’installer à Brest. Il entre alors au lycée de Brest et, parallèlement, suit les cours de l’école des beaux-arts de la ville et étudie la musique. Sa mauvaise vue lui interdisant la carrière dans la Marine à laquelle il aspirait, il entre aux P.T.T. (Postes, télégraphes et téléphones).
En 1916, il part pour le front, d’où il revient quatre ans plus tard, rebaptisé « Jimmy » par les soldats anglo-saxons de qui il a été l’interprète et qui avaient, selon la légende familiale, des difficultés à prononcer son prénom à la française. Pendant une douzaine d’années, il sera donc « Jimmy » pour tous, puis, tout simplement, « Jim ». Accolant ce second prénom à celui de l’état civil, il est connu, au début des années 1930, en tant que « Jim-E. Sévellec ».
Il retrouve les P.T.T. et apprend à Paris le métier de câbliste. Puis, en 1922, il est nommé à la station du Déolen, installée sur la côte non loin de Brest, où il prend en charge les câbles sous-marins reliant l’Europe à l’Afrique. Il va y accomplir l’essentiel de sa carrière. Ses activités professionnelles ne nuiront jamais à son travail de peintre ni à ses nombreuses activités artistiques. Dès les années 1920, il s’affirme dans l’entre-deux-guerres comme une personnalité incontournable de la vie culturelle brestoise. Il expose régulièrement à la galerie Saluden, référence en matière de peinture. Il est, notamment, successivement secrétaire général de la très importante Société des Amis des Arts, organisatrice chaque année d’un imposant salon de peinture, puis professeur à l’École des beaux-arts de Brest, qu’il dirigera même un temps.
C’est à Jim-E. Sévellec que l’on fait appel pour décorer les murs de nombre de restaurants et de commerces d’une ville dont il devient pratiquement le peintre officiel. C’est ainsi qu’en 1936, à l’occasion de la venue à Brest du président de la République Albert Lebrun, venu inaugurer la nouvelle École navale, il réalise quatre panneaux muraux conservés de nos jours dans la mairie des Quatre-Moulins. Collaborateur de La Dépêche de Brest et de l’Ouest à partir de 1924, il tient à partir de 1934 une chronique artistique où il passe en revue les diverses expositions, principalement celles tenues à la galerie Saluden. À la fin des années 1920, il entame une collaboration appelée à durer avec la faïencerie Henriot de Quimper : il sera l’artiste à lui avoir fourni le plus grand nombre de sujets. En 1936, il est fait Peintre officiel de la Marine.
Après avoir passé les années de l’Occupation à Landerneau, puis avoir enseigné à la Libération quelque temps dans des écoles des P.T.T. de Marseille et de Nantes, il retrouve Brest en 1949. Il ne la quittera plus. Il expose de nouveau à la galerie Saluden, reprend la plume pour collaborer au Télégramme de Brest, successeur de La Dépêche. Il y publie notamment, sous forme de bande dessinée réalisée avec son fils aîné Joël-Jim, une Histoire de Brest qui, reprise en volume, connaît un grand succès de librairie auprès des Brestois. La nouvelle Brest ne fut jamais un thème majeur de sa peinture. Le souvenir avait pris le dessus. Pour ceux qui avaient connu la ville d’avant-guerre, il convenait de ne pas oublier ce qu’elle avait été. Tout comme son ami et confrère Pierre Péron, il collabora très tôt avec la Société d’Études de Brest et du Léon, éditrice dès 1954 des Cahiers de l’Iroise, revue savante dont il est le principal illustrateur. Cette même société savante est à l’origine du projet d’un « musée du vieux Brest » qui se concrétisera dans les années 1960 par l’aménagement de la tour Tanguy. Celui-ci est confié à Jim-E. Sévellec qui, après avoir conçu le diorama du Musée des Pénitents blancs de Marsac-en-Livradois, élabore pour le monument brestois des dioramas historiques toujours visibles de nos jours. Jim-E. Sévellec s’éteint à Brest en 1971. Il est enterré dans le cimetière de Camaret-sur-Mer, au côté de son épouse Solange, disparue quelques années après lui.
Quelques expositions posthumes ont été consacrées à sa peinture : Landerneau (1983), Camaret (1987), Brest (1974, 1995, 2022 et 2023) ainsi qu’à son œuvre de faïence : Quimper (2012). En 2023, la monographie Jim-E. Sévellec. L’Esprit du pays signée Armel Morgant paraît aux éditions Locus Solus, ainsi qu'un numéro hors-série des Cahiers de l'Iroise réalisé sous la direction de Brieg Haslé-Le Gall. En octobre 2024 est fondée la Société des Amis de Jim-E. Sévellec.
Armel MORGANT
Quimper : rencontre avec le peintre Jim Sévellec par Louis-Marie Cohic
Bretagne Actualités, ORTF, 6 décembre 1968 © INA
Dans le cadre d'une exposition de peinture à Quimper, promenade dans la ville en compagnie de l'artiste. Sévellec parle de la peinture comme d'une véritable passion. Il se veut « témoin de son temps », d'où sa volonté de resté figuratif dans son travail artistique. Il aime l'idée qu'avec ses tableaux, d'autres personnes soient touchées par ce qu'il a représenté.