Sévellec peintre


Jim-E. Sévellec peignant dans son atelier brestois, fin des années 1960 / cliché  F. Le Grand - Le Télégramme
Jim-E. Sévellec peignant dans son atelier brestois, fin des années 1960 / cliché F. Le Grand - Le Télégramme

C’est tout jeune qu’Eugène, futur « Jim » Sévellec s’est mis au dessin et à la peinture, don hérité de son père. Son attirance pour le petit monde des peintres a pris naissance à la vue des nombreux artistes qui fréquentaient Camaret dans les premières années du XXe siècle. La cité en effet une véritable colonie de peintres, attirés là notamment par la variété et la beauté des paysages. Les premiers cours qu’Eugène-Jim ait jamais suivis sont ceux que, alors qu’il était lycéen, dispensait M. Léonard, directeur du Musée des beaux-arts de Brest. C’est à cette époque que son regard fut attiré dans ce même musée par une toile peinte par Désiré-Lucas, aujourd’hui disparue. Il ressentit alors comme une véritable parenté artistique qui lui fit considérer Désiré-Lucas comme un maître authentique. Il ne devait le rencontrer à Camaret qu’en 1928, alors qu’il venait de se marier. Il resta sa vie durant en contact régulier avec lui, bénéficiant de ses conseils.

Le premier peintre avec qui il soit vraiment entré en relation fut Robert Louis Antral rencontré à Camaret alors que la Première Guerre mondiale allait éclater, qui lui donna quelques conseils et lui fit connaître Mathurin Méheut, avec qui il se liera plus tard d’amitié. On peut penser qu’étudiant à Paris, il a fréquenté nombre de peintres auprès desquels il a pu parfaire sa technique picturale, sans que cela prît jamais l’allure d’un enseignement au sens strict du terme. En vérité, Sévellec fut pour une bonne part autodidacte. Sa vie durant, Sévellec ne cessa donc de peindre. Principalement des huiles, et toujours sur le motif. Il resta résolument figuratif selon ses propres termes : « Je suis résolument figuratif. Je veux témoigner de ce que j’ai vu ». 

Dans un article à charge contre la peinture abstraite paru dans Le Télégramme, il déclare s’y être un temps adonné, mais précisa dans le même temps avoir détruit les œuvres qui en avaient résulté. Grande méfiance était à l’égard des peintres abstraits, en qui il ne voyait bien souvent que des faiseurs.

Sévellec était principalement paysagiste. Il a peint d’abondance les paysages d’une presqu’île de Crozon dont il connaissait le moindre recoin depuis son enfance. Il a peint pareillement la ville de Brest, où il a passé la majeure partie de sa vie. La rue de Siam à hauteur de la Préfecture maritime fut l’un de ses sujets de prédilection. Ce fut pour lui l’occasion idéale pour évoquer tout le petit monde qui s’y retrouvait, femmes de Plougastel en coiffe et matelots en bordée se côtoyaient. Mais en vérité, il peignait partout où il passait, et l’on a ainsi de ses toiles représentant Marseille, Nantes, où il fut en poste un certain temps, ainsi que des endroits où il passait des vacances en famille. Il fut également à Brest lorsque les troupes allemandes arrivèrent en 1940. On lui doit quelques œuvres représentant la Brest de ces années-là, où il porte un regard acéré sur les troupes d’occupation. Sa production fut intense. Il n’est guère de journées dans sa vie pendant lesquelles il n’ait pas réalisé une toile. La seule période pendant laquelle, à l’en croire, il n’a pas pu peindre à sa guise, fut celle où il travailla aux dioramas de la tour Tanguy. Une fois ceux-ci achevée, il déclarait, dans un article, très heureux de reprendre ses pinceaux.

Le peintre fut également décorateur, et on lui doit aussi un bon nombre de panneaux muraux. Avant-guerre, les murs des plus réputés des restaurants brestois — Chez Touz, Collé… — reçurent de ses œuvres ainsi que quelques bars.  Il est encore possible, d’en voir çà et là à travers Brest. Pour l'hôtel Kermoor de Bénodet, il a réalisé une série une série de panneaux illustrant des chansons traditionnelles de la Marine, tout comme la plus célèbre des goualantes brestoises, La Complainte de Jean Quéméneur. Fin 2023, la ville de Brest a fait l’acquisition des panneaux concernant celle-ci. Les panneaux réalisés lors de la venue du président de la République à Brest en 1936 ont quant à eux depuis trouvé place dans la salle des mariages de la mairie annexe des Quatre Moulins. À Douarnenez, on peut encore voir sur les murs de la salle des fêtes trois panneaux représentant le Rosmeur et l’île Tristan, à côté de ceux réalisés par d’autres peintres de sa génération, comme son ami Lionel Floc’h.

Dessinateur, c’est principalement pour la presse brestoise que Jim-E. Sévellec le fut, aussi bien dans La Dépêche de Brest et de l'Ouest qu’après-guerre dans Le Télégramme et Les Cahiers de l’Iroise. Pour la première, il a croqué toute une série de personnalités et d’événements de l’entre-deux-guerres. Pour le deuxième, il a réalisé une série de bandes dessinées historiques évoquant l’histoire de grandes villes de Bretagne, telles que Brest et Quimper, ainsi que divers moments de l’histoire de Bretagne. Enfin, Les Cahiers de l’Iroise ont été régulièrement enrichis de nombre de croquis représentant, outre ses paysages de prédilection, des personnalités pittoresques de Camaret et de Brest.

Armel MORGANT